Lundi 16 juin 2014
Je quitte donc l’aéroport à 4h du matin.
Une pluie fine et glaçante ne cesse de tomber. Le paysage semble apocalyptique. Sur des kilomètres, des champs de lave et de lichen recouvrent tout et, ici et là, quelques fumerolles m’indiquent que je suis sur des terres volcaniques…
Au bout de 10 km avec le vent de trois quart côtés, je suis à bout de force. Il est 5h du matin, j’ai avancé à peine à 9km/h. Je n’avais jamais roulé aussi lentement à vélo. Je comprends alors que cela sera très dur et qu’il me faudra m’accrocher. Je suis debout il est vrai depuis prés de 24h, et je n’ai pas dormi une minute.
Au milieu de nulle part, au bord d’une route ou je ne croise aucune voiture, un abribus. Je prends la décision de m’y arrêter pour me reposer un peu. J’enfile alors 2 polaires l’une sur l’autre, et je m’allonge sur un banc. Vers 6h du matin, je me réveille glacé et humide…la pluie redouble.
Je dois avancer coûte que coûte et remonte sur le vélo. Il me reste environ 25 km a parcourir pour arriver au camping de Grindavik. Au loin, je vois un grand panache de fumée s’échappant du sol, le paysage est fantastique, difficile parfois de se croire sur terre. A 7h30, j’arrive au Blue Lagoon, je n’ai fait que 20 km depuis ma pause. Le site est également magique. Je fais un petit tour à pied et prends quelques photos.
Je repars et arrive à Grindavik vers 08h30 du matin, où je m’arrête dans la station service-épicerie-restaurant-café-hamburgers. C’est aussi une des particularités de l’Islande. Dans chaque petite ville et village, un commerce concentre tous les services en un même lieu.
Alors que je bois un grand café bien chaud, et déguste un savoureux gâteau local, deux gigantesques Islandais, barbus et le cheveux hirsute entrent, me saluent, et s’installent sur une table pour prendre un café. Ce sont deux colosses ! de vrais vikings! très impressionnant.
Il est 9h15 lorsque je quitte la station service. Je suis parti à 4h du matin. Mon premier objectif était de rejoindre Grindavik, à environ 35 km de l’aéroport. C’est fait. Je vais désormais chercher le camping, m’y installer pour la journée, faire des provisions, me promener en ville et sur le port et surtout…me reposer.
Mardi 17 juin 2014
Mon objectif de la journée est simple. Rallier þorlákshöfn, à 60 km de Grindavik en allant vers l’est tout en longeant la côte. Le réveil sonne à 07h30, il a plu toute la nuit, et cela n’a pas cessé…
Malgré cela et le jour permanent, à cette période de l’année, j’ai dormi comme un bébé. Je décide de reporter mon départ car je n’ignore pas que le temps peut changer très vite en Islande. J’espère donc une éclaircie, une fenêtre météo…
Vers 09h30, je me rends à l’évidence…Partout autour de moi et loin à l’horizon, le ciel est noir et bouché. La pluie n’a pas stoppé, ni même ralenti une minute. Tant pis, je pars ce matin, quel que soit le temps, je dois avancer ! Ce n’est que le début, pas question de faire du sur place ! Je repli donc la tente, pour la première fois d’une longue série sous la pluie, range soigneusement le matériel dans les sacoches, et à 10h 15 environ, j’enfourche cette bicyclette qui sera ma seule compagne pour une trentaine de jour…
Dès le 5éme kilomètres environ, je vois se profiler à l’horizon une grosse montée, semblant assez longue mais absolument pas insurmontable, la pluie est un peu plus calme, le vent peu violent et de ¾ face. J’entame donc cette ascension avec détermination, à 9 km/h environ. Au bout d’un kilomètre environ, un mur. Un mot que beaucoup de cyclistes connaissent…
C’est une pente violente, abrupte, sur environ 500 m environ je mouline alors à 4km/h…pour finir par descendre et pousser le vélo… Je finis donc cette partie de la montée à pied, pour enfin retrouver une partie plus roulante, même si cela ne cesse pas de monter. J’ignore alors que cela se reproduira très souvent. Mon engin pése environ 40 kg, charges incluses ! Je suis désormais au milieu du brouillard, l’ascension se poursuit durant 3km environ…à 6km/h de moyenne !
Après une descente bien trop courte à mon goût, j’entame donc une succession de petites montées et très courtes descentes, sous une pluie cinglante, qui a redoublé d’intensité, avec un vent de ¾ face qui s’est renforcé et une température maximale qui ne doit guère dépasser 7 à 8°…que du plaisir ! Parfois, je fais de fantastiques accélérations à…12km/h ! Mes rares arrêts ne sont que pour me réhydrater.
A Grindavik, la veille, j’ai fait quelques provisions mais, stupidement, je n’ai pas pris la moindre barre chocolatée ou céréalière, pouvant faire office d’encas à avaler rapidement, sans s’arrêter et le besoin se fait déjà ressentir… A mon départ, bien naïvement, j’ai imaginé que je trouverai un endroit abrité où faire une pause pour manger mes pâtes en sachet, puis repartir gaillardement. Vers 13h30, je dois me rendre à l’évidence. Rien d’autre qu’un désert de lave sous un ciel bas…
A 14h, je commence sérieusement à ressentir l’humidité, après près de 4h de vélo sous une pluie incessante…le froid commence aussi à se faire ressentir, et mes pompes en cuir sont de moins en moins étanches…elle ne date pas d’hier ! J’aurais peut-être dû investir dans une paire de chaussures neuves ! je n’ai alors parcouru que 35 km en 4h ! Un exploit de lenteur… maintes fois renouvelé par la suite…
Vers 15h, au kilomètre 43, à environ 17 km de mon objectif initial, je n’en peux plus, je n’ai pas mangé, je suis trempé, j’ai froid et je suis épuisé. Soudain sur ma droite un panneau m’indique un camping à 1km. J’hésite quelques secondes et je me décide à tourner. C’est suffisant pour aujourd’hui. J’arrive dans un modeste camping à la ferme, première surprise, il est gratuit, seul l’accès à la douche, sans limitation de durée, est payant pour 500Isk (3,50€ environ).
A l’entrée de ce camping trône une petite bicoque en préfabriqué où la propriétaire vend un peu de tout et propose même des hot-dogs et du café! Nous sommes pourtant véritablement au milieu de nulle part, et même pas sur la route principale, la célèbre route n°1. Je ne suis même pas certain d’avoir croisé dix véhicules durant mon trajet ! Rien à dire, ils ont le sens du service et du commerce en Islande !
Mort de faim, j’engloutis un hot-dog en quelques secondes, puis je bois un grand café. Le plus étonnant…il m’est possible de payer par carte bancaire! Dans un petit camping à la ferme avec à son entrée un petit cabanon qui fait alimentation, snack, droguerie, bazar…surprenant !! Impossible de ne pas faire le lien avec la France, avec ses supermarchés qui parfois refusent la carte bancaire en dessous d’un certain montant et nos campagnes où il est souvent tout simplement impossible de l’utiliser dans les petits commerces !
Après avoir monté ma tente, je visite le bloc sanitaire, dans un état irréprochable et moderne…là aussi, impossible de ne pas faire le lien avec la France où j’ai fréquenté des campings à la ferme bien moins propre et moderne…il me semblait pourtant que nous étions la première destination touristique au monde ! L’endroit est nickel, avec même un endroit prévu pour faire sécher le linge. Et quel plaisir de se retrouver sous une douche très chaude au doux parfum de soufre… Une douce odeur d’œuf pourri! Je vous rassure…on s’y habitue très rapidement !
Il est environ 17h et j’ai parcouru seulement 43 km en 5h30 de vélo soit moins de 8km/h de moyenne. J’avais prévu au départ de rouler seulement 5 heures, mais pour faire 60 km. Dans mon programme pour le lendemain, mercredi, c’est près de 80 km qui doit être effectué. Je réalise qu’à ce rythme, il me faudra pédaler 11h environ pour effectuer cette distance ! Impossible, tout simplement… sans compter que j’ai déjà 15 km de retard. Nous verrons bien…je ferai le maximum.
Aujourd’hui, il n’y aura pas la moindre photo, la pluie incessante et parfois violente ne m’ont pas permis de sortir l’appareil. Bien au chaud sous ma tente, je savoure mes pâtes lyophilisées puis j’écris ces quelques lignes…
Il est 21h, Je suis l’unique client du camping. Il pleut toujours…
Mercredi 18 juin 2014
Hier après-midi, vers 16h, épuisé par une journée de vélo sous la pluie, avec vent de ¾ face, je me suis arrêté à Strandarkirkja, dans un petit camping, sur la route 427, à 15 km environ de mon objectif initial. Après une « nuit » de sommeil assez réparatrice, je me réveille tranquillement vers 08h30. Une bonne douche, puis je m’offre un petit déjeuner fait de céréales trempé dans le fameux Skyr, sorte de yaourt, mais en beaucoup plus épais, accompagné d’un café chaud et de quelques « krisprolls » tartiné de beurre et de confiture d’orange…
Il pleut un tout petit peu. A 10h du matin, je repars direction l’est. Rapidement, je constate que le vent a tourné, je l’ai désormais dans le dos et cela change tout. Je pédale vite, porté par le vent, les kilomètres de retard de la veille sont avalés en moins de 40 mn. Je roule, pour ces 15 premiers kilomètres, à 22 km/h de moyenne, quel contraste avec les 8km/h de la veille ! Les paysages sont grandioses. Au loin, devant moi et sur ma gauche les contreforts de glaciers et de montagnes, en première ligne, des champs de lave et de lichens.
Après un arrêt au supermarché local de Porlakshofn où je me ravitaille en sucreries diverses, je me retrouve sous une violente averse soudaine. Je m’équipe rapidement de la tenue de pluie. Quelques secondes plus tard, le ciel se déchire et le soleil apparait brutalement, et il chauffe ! Ce n’est pas une légende, le temps peut bien changer plusieurs fois dans le même quart d’heure !
A la sortie de la ville je bifurque à droite pour emprunter la route 305 longeant l’océan. Le paysage a changé radicalement en quelques minutes. Sur ma gauche, des prairies verdoyantes parsemées de petits cours d’eau et partout des chevaux et des entrées de propriétés aux allures de Ranch ! Au bout de quelques kilomètres sur la route 305, soudainement, plus de route goudronnée mais un chemin de pierre tassée dans l’ensemble en bon état et roulant.
Vers 13h, il fait beau et grand soleil, la température avoisine les 16 à 18°, je décide de m’arrêter au bord d’un petit pont traversant une rivière bucolique pour pique-niquer. D’un côté l’océan, de l’autre, des prairies verdoyantes avec en toile de fond les montagnes du centre du pays, merveilleux !
Vers 16h, après avoir bifurqué vers la gauche, toujours sur la 305, puis sur la droite, par la route 302, j’arrive aux chutes d’eau d’ Urrioafoss, où je m’arrête pour contempler le spectacle grandiose et prendre quelques photos, puis je rejoins la fameuse route circulaire n°1, quelques kilomètres après Selfoss. Cela roule beaucoup et très vite, les véhicules m’impressionnent, d’énormes 4×4 aux roues démesurées, des camions 4×4 camping-cars. Je n’avais jamais rien vu de pareil avant.
Vers 18h30, j’arrive au camping d’Hella. J’ai parcouru pas moins de 96km en 06h30. Je n’en reviens pas…Hier, en 5h, je n’en avais que 43 au compteur. J’ai presque récupéré le retard cumulé… pourvu que cela dure !
Aujourd’hui, j’ai véritablement pris du plaisir à rouler dans des paysages fantastiques et cela me fait du bien au moral car la veille, il en avait pris un sacré coup !
Jeudi 19 juin 2014
Je quitte vers 10h le camping de Hella. Direction l’est, sur la route n°1, beaucoup plus calme ce matin. Le ciel est couvert mais il ne pleut pas. Aujourd’hui encore, le vent est présent et m’est favorable. J’avance bon train, avec en vue la calotte glacière Eyjafjallajökull, sixième plus grand glacier du pays sur les treize calottes glaciaires que compte l’Islande, connu partout en Europe pour l’éruption volcanique de l’Eyjafjöll en 2010…
vers 13h, je pique-nique aux chutes de Seljalandsfoss. Depuis une heure environ, je ressens une douleur dans le genou gauche qui commence sérieusement à m’inquiéter. Je repars avec un bandage élastique très serré qui l’apaise, mais je ne peux pas m’empêcher d’y penser. Sur la gauche, les cascades vertigineuses, parfois très fines mais hautes, s’enchainent.
Vers 15h45, Je m’arrête à la chute de Skogafoss. Un peu fatigué, j’envisage un moment de m’y arrêter, mais finalement, poussé par l’envie d’aller voir plus loin, je remonte sur le vélo. Les paysages sont verdoyants, avec sur ma gauche les moutons en semi-liberté qui pâtissent à flanc de montagne. Parfois, je m’étonne d’en voir quelques-uns perchés dans des endroits totalement inaccessibles aux pentes abruptes et parfois presque verticales. Et toujours, régulièrement, les cascades qui alimentent des petites rivières, elles même se jetant dans l’océan, de l’autre côté de la route, à quelques centaines de mètres.
Depuis ce matin, je pédale toujours vent de dos, cela me propulse à 18/20 km/h…avec mon vélo de plus de 40 kg, ce n’est vraiment pas mal. Finalement, lancé comme je suis, je pense désormais rejoindre la ville de Vik, qui était mon objectif initial. La douleur dans mon genou est moins présente et je me sens en pleine forme…autant en profiter !
A 2km de VIK, une côte à 12% d’environ un kilomètre me stoppe net, et je pousse le vélo durant environ 800m. C’est dure… très dure. La descente est vertigineuse, indiqué à 15% ! J’essaie de gérer mon allure, mais je ne veux pas y laisser les patins de freins. Je passe le panneau d’entrée de Vik à 55 km/h…légalement, je suis en excès de vitesse… à cette allure, avec un vélo chargé, il ne faut surtout pas lâcher le guidon ! Aujourd’hui j’ai fait 103 km en 6h30 de vélo à donc une moyenne de 16km/h…je m’étonne moi-même!
Il est 18h30 quand j’arrive au camping de Vik. Après m’être installé, je rejoins la grande salle commune équipée d’une petite cuisine, où je fais la connaissance d’un groupe de Français venus d’Angers. Nous discutons jusqu’à 23h30. Ils me posent beaucoup de questions, matériel, parcours. J’avoue être assez fier de parler de mon périple. Le camping est à flanc de rocher, je me couche dans un superbe cadre…Hélas, je ne m’endors pas avant 02 ou 3h du matin Car il y a beaucoup de va et vient et de bruit.
Vendredi 20 juin 2014
Ce matin, j’ai quitté le camping à 11h. Debout à 8h30, j’ai pris un copieux petit-déjeuner en compagnie des Français d’Angers, rencontré la veille, puis, aprés une bonne douche, j’ai tranquillement plié mon campement.
Il fait beau sur la route 1 en direction de l’Est. Après quelques averses nocturnes et matinales, le ciel s’est bien dégagé. Il faut dire que le vent est bien présent et chasse les nuages vers le Nord-Est. Pour moi, ce n’est que du bonheur car en dehors de quelques passages, je l’ai majoritairement de ¾ dos. C’est donc à 18km/h de moyenne que je contourne tranquillement le Mýrdalsjökull, en Français « glacier de la vallée du marais », qui est le 4eme glacier Islandais. Bien évidemment, le spectacle est à nouveau unique.
J’aperçois nettement au loin, son point culminant, un gigantesque dôme de glace, le Góðabunga, qui surplombe la vallée de Thórsmörk, à 1 512 mètres d’altitude. Le voyage à vélo à cela unique que l’on ne rate absolument rien, aucuns détails de ce paysage unique ne m’échappe !
Durant les 15 premiers kilomètres, je parcours un paysage verdoyant fait de prairie, de champ de fleur mauve au pied des pentes montagneuses, parsemés de petites rivières et de cascades. Puis, au fur et à mesure que je m’éloigne du Myrdalsjökull, désormais dans mon dos, des deux côtés de la route, le paysage se transforme et devient chaotique, avec des gigantesques champs de laves pétrifiés recouverts d’une mousse verte, et sur des kilomètres, pas un mètre carré de terrain plat.
Vers 13h30, j’ai parcouru environ 35km quand tout à coup, le vent tourne brutalement, devient violent et par moment, certaines rafales me coupent même le souffle ! En pleine ligne droite, sans aucunes barrières naturelles pour m’en protéger, j’avance a lors péniblement à 6 ou 7 km/h. Après un effort physique (et mental !) d’une heure à guerroyer contre un vent violent de face, épuisé par les rafales incessantes, je décide de quitter la route n°1 et bifurque sur ma gauche, en direction, d’Hrifunes, sur une piste de pierre, pour finalement m’arrêter au bout d’un kilomètre environ.
Il est 15h, je n’en peux plus, je vais planter la tente ici, en plein vent, à une centaine de mètres en retrait de la piste et me reposer. Après quelques dizaines de minutes, j’arrive à trouver un tout petit bout de terrain me semblant assez plat. Ce sera donc mon premier campement en pleine nature. J’avais prévu de faire au moins 30km de plus mais impossible d’aller plus loin !
De mon campement, j’ai une vue imprenable sur le Katla, un volcan constitué d’une montagne couronnée par une caldeira, et sur l’un des glaciers qui découle de la calotte glacière. A nouveau, je reste très longtemps en admiration devant ce spectacle. Là-bas, les nuages semblent figés sur les hauteurs, et malgré l’altitude maximum de 1500m, il semble évident que le temps doit y être chaotique et rude.
Samedi 21 juin 2014
Officiellement, c’est le premier jour de l’été. La nuit a été agitée. Le vent a soufflé violemment et j’ai très peu dormi. Vers 6h du matin, la pluie se met de la partie, je sors rapidement pour un petit besoin naturel, le ciel est bas, les montagnes ne sont plus du tout visible. Je me recouche avec la ferme intention d’attendre des cieux plus cléments pour remonter sur ma bicyclette.
Vers 9h30, la pluie s’interrompt enfin. Je décide donc de lever le camp rapidement et à 10h15, je me mets en selle. Une route de pierre traversant les champs de lave me ramène sur la route n°1. J’attaque donc la matinée sur une très longue ligne droite avec, sur plusieurs dizaines de kilomètres, quelques trop rares et légères courbes. J’ai le vent de face et je ne dépasse guère les 7 à 8 km/h sur le plus petit développement du vélo, et cela, sans la moindre côte ! Que c’est long et usant ! Je me surprends parfois à hurler, à maudire le ciel, les nuages. Chaque coup de pédale est un effort, et toujours sur des kilomètres, un champ de lave, à gauche comme à droite.
Il est le résultat de l’éruption du Laki de 1783. Ce champ de lave, nommé Eldhraun, couvre une surface de 565 km2 sur une épaisseur de 12 mètres, impressionnant ! La route a été tracée au milieu… Alors, malgré la souffrance et l’envie parfois de renoncer, je suis abasourdi par les paysages fracassés et je ne peux m’empêcher de penser que j’effectue une traversée dans l’histoire. Cette éruption, qui avait eu des répercussions météorologiques jusqu’en Europe, avait provoqué des famines importantes durant plusieurs années… Ont dit qu’elles sont parmi les causes de la révolution française de 1789 !
A 15h, après seulement deux arrêts de quelques minutes, j’arrive à Kirkjubæjarklaustur, une petite commune d’un peu plus d’une centaine d’habitants. Avant de partir, j’avais lu également que lors de l’éruption, celle-ci fût directement menacé par une coulée de lave. Son pasteur, Jón Steingrímsson, réunit alors les paroissiens pour leur faire un sermon. Et par un heureux miracle, la coulée s’arrêta au pied du village, sur un promontoire rocheux désormais connu sous le nom de Eldmessutangi, soit la « pointe du sermon sur le feu »…
A la station-service locale, je m’avale un énorme hamburger frites, agrémenté d’un coca qui fait mon bonheur. Toute la matinée, je me le suis rêvé et me suis promis de m’arrêter dès que possible pour m’en offrir un ! Il faut dire que chaque station-service, propose des hamburgers ici ! Après ce repas gastronomique, je décide de m’arrêter ici, au camping.
Le bilan est assez minable, 32 km en en 4h de vélo, et je n’ai pas pris la moindre photo car trop de pluie et de vent. Par rapport à mon « prévisionnel », j’ai une journée de retard, je pensai qu’aujourd’hui, je camperai à Skaftatell…c’est à 75 km !
Je me confronte désormais à la réalité de l’Islande, difficile ici de faire des calculs savants de moyenne kilométrique ! Désormais, c’est décidé, nous verrons jour par jour…
Comme j’arrive assez tôt au camping, j’enchaîne sur ma petite lessive à la main, au savon de Marseille. Heureusement, le camping possède une large zone abritée permettant d’étendre le linge, malgré l’humidité ambiante, le vent devrait me sécher tout cela rapidement…
Dimanche 22 juin 2014
Aujourd’hui, j’ai fait de nombreux arrêts pour admirer les paysages, rivières, montagnes et même un pont abandonné au milieu de la coulée de lave, car la route n’existe plus… Après 73km en moins de 5h, sans grosses difficultés, en dehors d’un peu de vent faible, j’arrive à l’immense camping de Skaftafell, point de départ de nombreuses randonnées vers les glaciers.
Tout le long de la route, j’ai pu observer de nombreuses espèces d’oiseaux inconnus pour moi. Je suis un piètre ornithologue ! Environ 30 km après mon départ, au détour d’un virage, en bordure de la route n°1, dans un pré clôturé, je m’arrête pour observer des dizaines d’oies et prendre quelques photos.
Je n’aurai jamais imaginé qu’il y eu des élevages d’oies en Islande ! Je m’approche de la clôture, appareil photo en main quand soudain, l’une d’entre elle sonne le signal d’alerte. Dans un bruit assourdissant, une bonne centaine d’oies prennent leur envol et me passent au-dessus de la tête, à quelques mètres de hauteur, direction l’océan. C’était des oies sauvages ! Je reste abasourdi par ce qui vient de m’arriver… Je n’avais jamais vu un tel envol d’oies sauvages ! pour tout dire, je n’en avais jamais vu d’aussi près !
Aujourd’hui, ma journée a été ponctuée par des attaques de Sternes arctiques défendant leurs lieux de nidifications. Quand je dis attaque, le mot n’est pas trop faible, et j’ai bien à plusieurs reprises, frôlé la chute de vélo! En effet, me voyant passer à allure faible, les sternes s’envolent à grand cris et n’hésitent pas à plonger vers moi, tel un avion de chasse s’attaquant à sa cible. Et pour tout dire, cela me fait peur car elles passent très prés de ma tête!
Après cette petite journée de frissons à vélo « Hitchcockienne », c’est donc vers 16h que j’arrive au camping. Ici aussi, les douches sont payantes, comme dans pas mal de camping du sud, et cela m’énerve un peu. Après avoir planté la tente, je pars en repérage. Au milieu du camping, le bloc sanitaire propose des toilettes immenses et très propres, c’est décidé je vais en squatter une pour 30 mn ! Pour moi, ce sera une toilette complète au lavabo… Dans les WC !
L’après-midi se clôt pour moi par une visite dans l’immense boutique de souvenirs puis, sous un des nombreux abris aménagés du camping, alors que mon eau commence à frissonner, prélude d’un merveilleux repas de pâtes…lyophilisés, un jeune couple s’approche et me demande s’ils peuvent se joindre à moi.
Des Français ! Le jeune homme vit et travaille à Paris… la jeune femme vit et travaille en Alsace. Pour eux, l’Islande est sans voiture, ils ne se déplacent que par des transports en communs, de site en site, et effectuent à chaque étape une randonnée. Ils m’expliquent que L’organisme qui a monté pour eux ce voyage a prévu, dans des lieux spécifiques, tout au long de leurs parcours, des colis alimentaires de plusieurs jours. Tout cela me donne des idées… Nous discutons durant deux heures et j’apprends qu’ils sont en Islande en voyage de noce ! Je trouve cette idée géniale !
En fin de soirée (en plein jour tout de même !), ils m’offrent deux bouteilles de gaz neuves car ils partent dans deux jours et n’en ont pas besoin. Vraiment sympathique ces petits jeunes !
Nous partons nous coucher et une fois sous la tente, je réalise que je ne connais même pas leurs prénoms. Comme je regrette cela car j’aurai eu plaisir à les citer dans ce récit de voyage ! Si je les croise demain matin, je leur demanderai prénoms et mails pour prendre des nouvelles et leur envoyer le lien du site internet.
Je m’endors rapidement. Hélas, comme chaque nuit, je me réveille très souvent. Le soleil de minuit perturbe mon sommeil. De plus, j’ai été un peu optimiste avec mon sac de couchage trop léger, même si prévu pour aller jusqu’à 5°, et comme j’ai froid, je m’habille en pleine nuit pour mieux me réintroduire dans mon couchage…bien au chaud.
Je sors de la tente à 9h du matin. Mon premier réflexe est de regarder en direction de la tente du jeune couple. Les deux tourtereaux se sont envolés. Ils ne sauront donc jamais qu’ils ont fait partie de mon récit islandais…
Lundi 23 juin 2014
A 10h, je quitte Skaftafell en direction de Jokulsarlon à 65 km environ.
Aujourd’hui encore, je roule à allure convenable car il y a très peu de vent. Tranquillement, je contourne le volcan Öræfajökull, le plus grand du pays. Il est couronné par une caldeira de cinq kilomètres de diamètre, bien sûr, impossible à voir du bord de la route, d’où en revanche, je vois très bien ses rebords situés entre 1800 et 2100 m environ, et le Hvannadalshnjúkur, également point culminant de l’Islande avec ses 2119 m.
Tout au long de la journée, se succèdent de nombreux glaciers de vallée qui descendent les pentes du volcan jusqu’aux étroits sandar, les plaines d’épandage où ils se terminent. Je me sens véritablement minuscule à la vue de ces étendues glacières !
Vers 15h, j’arrive à proximité du Fjallsárlón, signifiant littéralement en français « lagune de la Fjallsá », dominé par le Hvannadalshnjúkur, Pour l’atteindre, il me faut sortir de la route n°1 et grimper une piste sur 1 km. Difficile, car elle est en mauvaise état. Je finis les 300 derniers mètres à pied. Arrivée sur le petit parking, il me faut encore faire environ 500 m à pied, en passant une petite colline pour y accéder.
Dès que je suis en haut de celle-ci, la vue sur le lac pro glaciaire est merveilleuse. Des dizaines d’icebergs, de toutes tailles, flottent à sa surface. Certains sont partiellement noircis par l’éruption de 2010, pourtant à des dizaines de kilomètres ! On y devine la puissance des glaciers, mais aussi celle des volcans…le feu et la glace…c’est bien ce qui caractérise l’Islande !
Je reste sur le site une demi-heure, puis remonte en selle pour le Jokulsarlon, où j’arrive vers 16h30. C’est un autre monde. Bienvenue en antarctique ! Les icebergs qui se détachent du glacier sont immenses, et au loin, on entend régulièrement et distinctement son craquement. Dommage que le ciel soit si bas et couvert ! Quel spectacle cela doit-il être par beau temps, avec une journée ensoleillée !
J’observe également quelques têtes de phoques qui nagent dans le lac, mais impossible d’en voir sur les icebergs. Les touristes présents les dérangent sans doute un peu. En effet, je constate que le parking est bien rempli, mais cela me semble raisonnable, compte tenu de la grandeur du site.
Je reste sur place plus d’une heure, puis reprends le vélo. Je pensais camper dans le coin, mais il y a trop de monde aux abords du Lac. Quelques kilomètres plus loin, je repère un petit flanc rocheux d’une dizaine de mètre de haut, sur la droite de la route n°1, avec son petit chemin le contournant. Je m’y engage par curiosité. Cela me semble l’endroit parfait pour un bivouac. Je décide donc de m’arrêter ici pour la nuit, car c’est à l’abri du vent et face à l’océan.
Après mon désormais fameux dîner de pâtes, et une bonne soupe de tomate, je me couche tranquillement vers 21h, après avoir pris quelques photos. Au loin, j’entends le son des canards sauvages…
Mardi 24 juin 2014
Je quitte mon campement à 10h, direction Höfn í Hornafirð, petite commune sur une presqu’île dans un lagon à 70 km de là. Son activité est tournée essentiellement vers la pêche, notamment le Homard. J’ai envie de voir cela d’un peu plus près.
Il y a donc 70 km. 70 km d’enfer. Aujourd’hui d’ailleurs, je n’aurai pris qu’une seul et unique photo. Dès le départ, le vent d’Est est particulièrement fort et je comprends tout de suite que la journée sera longue. De plus, je n’ai plus beaucoup de provisions, seulement du café et quelques krisprolls, et je sais qu’il n’y a pas de commerces avant cette ville de Höfn. Je n’ai donc pas le choix, il faut que j’y arrive avant 18h30, car les magasins d’alimentation ferment souvent assez tôt ici.

Les Kilomètres s’enchainent donc à très faible allure, vent de face 90% du temps, agrémenté, comme un plaisir n’arrive jamais seul, par de nombreuses averses souvent violentes… Je continue de longer le parc national de Vatnajökull mais concentré entièrement sur le vélo, je prends peu de temps pour admirer le paysage. Impossible de lâcher le guidon une seconde, ce serait la chute assurée! C’est dur. Très dur.
J’arrive à 17 h à Höfn. Parti à 10h du matin, je n’ai fait qu’une seule et unique pause de 15 mn environ. Tout le long de la route, le vent, la pluie froide et pénétrante.
Les 5 derniers kilomètres, l’arrivée sur la presqu’ile, prendront une heure à 4,5 km/h de moyenne sur le plus petit développement et sur une route plate! Je ne pensais pas qu’il était possible d’avancer à si faible allure à vélo ! record de lenteur battu!
Dès mon entrée à Höfn, un panneau publicitaire m’indique la présence d’un supermarché Netto où je me rends donc directement. Au passage j’engloutis en quelques secondes 50cl de Coca…visiblement, j’avais besoin de sucres !
A 18h environ, je monte le camp au camping local, sous une petite pluie froide et pénétrante, mais enfin à l’abri du vent…
Mercredi 25 juin 2014
J’ai très mal dormi, le vent et pluie sous la tente, sans compter le soleil de minuit (caché sous les nuages !), rendent mon sommeil difficile. Une fois de plus, j’ai également eu froid durant la nuit et je me suis habillé pour me réintroduire dans le sac, décidemment trop léger.
A 9h du matin, le constat est sans appel, le ciel est bas, gris, il pleut toujours et le vent n’a pas cessé. Au chaud dans une salle aménagé du camping, je prends tranquillement mon petit déjeuner. J’ai pris la décision de rester ici et de me reposer. Au passage j’utilise la machine à laver, ainsi que le sèche-linge pour faire une grosse lessive…
L’après-midi, le temps se calme, la pluie cesse et le vent faiblit. Je quitte donc le camping pour aller me promener en ville et sur le port…
Jeudi 26 juin 2014
Je suis parti vers 10h. Quelques kilomètres après Hofn, je m’engouffre dans un petit tunnel de quelques centaines de mètres.
Durant les 30 premiers kilomètres, la route s’écarte de l’océan pour rentrer dans les terres. Les prairies, semi-marécageuse, de chaque côté de la route, sont verdoyantes avec comme souvent, des montagnes en fond de paysages. Les moutons, nombreux, s’arrêtent bien souvent de paître pour me regarder passer…
Puis à nouveau, je reviens vers l’océan pour le longer tout au long du reste de la journée. Le Vatnajökull est désormais derrière moi et a laissé place à des côtes escarpées. Le plus souvent, la route suit le dénivelé naturel des falaises, en contrebas sur ma droite, et les ascensions s’enchainent à allure lente.
Sur ma gauche, les montagnes, à flanc de route sont de couleurs ocres. Les pentes sont impressionnantes. Après chaque grosse montée, je fais une petite pause et prends quelques photos, puis remonte gaillardement sur la bicyclette pour me laisser glisser à vive allure dans la descente.
Après cette journée de repos à Hofn, je suis content d’être à nouveau sur le vélo !
Vers 19h, je repère un superbe endroit, difficile d’accès mais isolé, avec une vue magnifique sur l’océan où je m’arrête pour camper. J’entreprends d’y aller à pied, en poussant le vélo sur plusieurs centaines de mètres.
Au calme, ma soirée est bercée par le son des vagues et des canards sauvages. après dîner, Je reste plus d’une heure assis sur une rocher, le regard tourné vers la mer, en rêvassant…
Rarement depuis plusieurs années, je ne me suis senti aussi bien. Je repense aux difficultés, à la météo capricieuse, mais cela ne fait pas le poids face à la beauté du lieu!
Aujourd’hui, j’ai parcouru 92 km et j’ai pédalé prés de 7h. Je n’ai pas vu le temps passé. Me voici arrivé dans les Fjords de l’Est…